Le Comte de Lautréamont

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Le Comte de Lautréamont

Les 6 chants de Maldoror

Où est-il passé ce premier chant de Maldoror, depuis que sa bouche, pleine des feuilles de la belladone, le laissa échapper, à travers les royaumes de la colère, dans un moment de réflexion ? Où est passé ce chant… On ne le sait pas au juste. Ce ne sont pas les arbres, ni les vents qui l’ont gardé. Et la morale, qui passait dans cet endroit, ne présageant pas qu’elle avait, dans ces pages incandescentes, un défenseur énergique, l’a vu se diriger, d’un pas ferme et droit, vers les recoins obscurs et les fibres secrètes des consciences. Ce qui est du moins acquis à la science, c’est que, depuis ce temps, l’homme, à la figure de crapaud, ne se reconnaît plus lui-même, et tombe souvent dans des accès de fureur qui le font ressembler à une bête des bois. Ce n’est pas sa faute. Dans tous les temps, il avait cru, les paupières ployant sous les résédas de la modestie, qu’il n’était composé que de bien et d’une quantité minime de mal. Brusquement je lui ai appris, en découvrant au plein jour son cœur et ses trames, qu’au contraire il n’est composé que de mal, et d’une quantité minime de bien que les législateurs ont de la peine à ne pas laisser évaporer. Je voudrais qu’il ne ressente pas, moi, qui ne lui apprends rien de nouveau, une honte éternelle pour mes amères vérités; mais, la réalisation de ce souhait ne serait pas conforme aux lois de la nature. En effet, j’arrache le masque à sa figure traîtresse et pleine de boue, et je fais tomber un à un, comme des boules d’ivoire sur un bassin d’argent, les mensonges sublimes avec lesquels il se trompe lui-même : il est alors compréhensible qu’il n’ordonne pas au calme d’imposer les mains sur son visage, même quand la raison disperse les ténèbres de l’orgueil. C’est pourquoi, le héros que je mets en scène s’est attiré une haine irréconciliable, en attaquant l’humanité, qui se croyait invulnérable, par la brèche d’absurdes tirades philanthropiques; elles sont entassées, comme des grains de sable, dans ses livres, dont je suis quelquefois sur le point, quand la raison m’abandonne, d’estimer le comique si cocasse, mais ennuyant. Il l’avait prévu. Il ne suffit pas de sculpter la statue de la bonté sur le fronton des parchemins que contiennent les bibliothèques. Ô être humain ! te voilà maintenant, nu comme un ver, en présence de mon glaive de diamant ! Abandonne ta méthode; il n’est plus temps de faire l’orgueilleux : j’élance vers toi ma prière, dans l’attitude de la prosternation. Il y a quelqu’un qui observe les moindres mouvements de ta coupable vie; tu es enveloppé par les réseaux subtils de sa perspicacité acharnée. Ne te fie pas à lui, quand il tourne les reins; car, il te regarde; ne te fie pas à lui, quand il ferme les yeux; car, il te regarde encore. Il est difficile de supposer que, touchant les ruses et la méchanceté, ta redoutable résolution soit de surpasser l’enfant de mon imagination. Ses moindres coups portent. Avec des précautions, il est possible d’apprendre à celui qui croit l’ignorer que les loups et les brigands ne se dévorent pas entre eux : ce n’est peut-être pas leur coutume. Par conséquent, remets sans peur, entre ses mains, le soin de ton existence : il la conduira d’une manière qu’il connaît. Ne crois pas à l’intention qu’il fait reluire au soleil de te corriger; car, tu l’intéresses médiocrement, pour ne pas dire moins; encore n’approché-je pas, de la vérité totale, la bienveillante mesure de ma vérification. Mais, c’est qu’il aime à te faire du mal, dans la légitime persuasion que tu deviennes aussi méchant que lui, et que tu l’accompagnes dans le gouffre béant de l’enfer, quand cette heure sonnera. Sa place est depuis longtemps marquée, à l’endroit où l’on remarque une potence en fer, à laquelle sont suspendus des chaînes et des carcans. Quand la destinée l’y portera, le funèbre entonnoir n’aura jamais goûté de proie plus savoureuse, ni lui contemplé de demeure plus convenable. Il me semble que je parle d’une manière intentionnellement paternelle, et que l’humanité n’a pas le droit de se plaindre.

Je saisis la plume qui va construire le deuxième chant…instrument arraché aux ailes de quelque pygargue roux ! Mais… qu’ont-ils donc mes doigts ? Les articulations demeurent paralysées, dès que je commence mon travail. Cependant, j’ai besoin d’écrire… C’est impossible ! Eh bien, je répète que j’ai besoin d’écrire ma pensée : j’ai le droit, comme un autre, de me soumettre à cette loi naturelle… Mais non, mais non, la plume reste inerte !… Tenez, voyez, à travers les campagnes, l’éclair qui brille au loin. L’orage parcourt l’espace. Il pleut… Il pleut toujours. Comme il pleut !… La foudre a éclaté… elle s’est abattue sur ma fenêtre entrouverte, et m’a étendu sur le carreau, frappé au front. Pauvre jeune homme ! ton visage était déjà assez maquillé par les rides précoces et la difformité de naissance, pour ne pas avoir besoin, en outre, de cette longue cicatrice sulfureuse ! (Je viens de supposer que la blessure est guérie, ce qui n’arrivera pas de sitôt.) Pourquoi cet orage, et pourquoi la paralysie de mes doigts ? Est-ce un avertissement d’en haut pour m’empêcher d’écrire, et de mieux considérer ce à quoi je m’expose, en distillant la bave de ma bouche carrée ? Mais, cet orage ne m’a pas causé la crainte. Que m’importerait une légion d’orages ! Ces agents de la police céleste accomplissent avec zèle leur pénible devoir, si j’en juge sommairement par mon front blessé. Je n’ai pas à remercier le Tout-puissant de son adresse remarquable; il a envoyé la foudre de manière à couper précisément mon visage en deux, à partir du front, endroit où la blessure a été la plus dangereuse : qu’un autre le félicite ! Mais, les orages attaquent quelqu’un de plus fort qu’eux. Ainsi donc, horrible Éternel, à la figure de vipère, il a fallu que, non content d’avoir placé mon âme entre les frontières de la folie et les pensées de fureur qui tuent d’une manière lente, tu aies cru, en outre, convenable à ta majesté, après un mûr examen, de faire sortir de mon front une coupe de sang !… Mais, enfin, qui te dit quelque chose ? Tu sais que je ne t’aime pas, et qu’au contraire je te hais : pourquoi insistes-tu ? Quand ta conduite voudra-t-elle cesser de s’envelopper des apparences de la bizarrerie ? Parle-moi franchement, comme à un ami : est-ce que tu ne te doutes pas, enfin, que tu montres, dans ta persécution odieuse, un empressement naïf, dont aucun de tes séraphins n’oserait faire ressortir le complet ridicule ? Quelle colère te prend ? Sache que, si tu me laissais vivre à l’abri de tes poursuites, ma reconnaissance t’appartiendrait… Allons, Sultan, avec ta langue, débarrasse-moi de ce sang qui salit le parquet. Le bandage est fini : mon front étanché a été lavé avec de l’eau salée, et j’ai croisé des bandelettes à travers mon visage. Le résultat n’est pas infini : quatre chemises, pleines de sang et deux mouchoirs. On ne croirait pas, au premier abord, que Maldoror contînt tant de sang dans ses artères; car, sur sa figure, ne brillent que les reflets du cadavre. Mais, enfin, c’est comme ça. Peut-être que c’est à peu près tout le sang que pût contenir son corps, et il est assez probable qu’il n’en reste pas beaucoup. Assez, assez, chien avide; laisse le parquet tel qu’il est; tu as le ventre rempli. Il ne faut pas continuer de boire; car, tu ne tarderais pas à vomir. Tu es convenablement repu, va te coucher dans le chenil; estime-toi nager dans le bonheur; car, tu ne penseras pas à la faim, pendant trois jours immenses, grâce aux globules que tu as descendus dans ton gosier avec une satisfaction solennellement visible. Toi, Léman, prends un balai; je voudrais aussi en prendre un, mais je n’en ai pas la force. Remets tes pleurs dans le fourreau; sinon, je croirais que tu n’as pas le courage de contempler, avec sang-froid, la grande balafre, occasionnée par un supplice déjà perdu pour moi dans la nuit des temps passés. Tu iras chercher à la fontaine deux seaux d’eau. Une fois le parquet lavé, tu mettras ces linges dans la chambre voisine. Si la blanchisseuse revient ce soir, comme elle doit le faire, tu les lui remettras; mais, comme il a plu beaucoup depuis une heure, et qu’il continue de pleuvoir, je ne crois pas qu’elle sorte de chez elle; alors, elle viendra demain matin. Si elle te demande d’où vient tout ce sang, tu n’es pas obligé de lui répondre. Oh ! que je suis faible ! N’importe; j’aurai cependant la force de soulever le porte-plume, et le courage de creuser ma pensée. Qu’a-t-il rapporté le Créateur de me tracasser, comme si j’étais un enfant, par un orage qui porte la foudre ? Je n’en persiste pas moins dans ma résolution d’écrire. Ces bandelettes m’embêtent, et l’atmosphère de ma chambre respire le sang…

Qu’il n’arrive pas le jour où, Lohengrin et moi, nous passerons dans la rue, l’un à côté de l’autre, sans nous regarder, en nous frôlant le coude, comme deux passants pressés ! Oh ! qu’on me laisse fuir à jamais loin de cette supposition ! L’Éternel a créé le monde tel qu’il est : il montrerait beaucoup de sagesse si, pendant le temps strictement nécessaire pour briser d’un coup de marteau la tête d’une femme, il oubliait sa majesté sidérale, afin de nous révéler les mystères au milieu desquels notre existence étouffe, comme un poisson au fond d’une barque. Mais, il est grand et noble; il l’emporte sur nous par la puissance de ses conceptions; s’il parlementait avec les hommes, toutes les hontes rejailliraient jusqu’à son visage. Mais… misérable que tu es ! pourquoi ne rougis-tu pas ? Ce n’est pas assez que l’armée des douleurs physiques et morales, qui nous entoure, ait été enfantée : le secret de notre destinée en haillons ne nous est pas distingué. Je le connais, le Tout-puissant… et lui, aussi, doit me connaître. Si, par hasard, nous marchons sur le même sentier, sa vue perçante me voit arriver de loin : il prend un chemin de traverse, afin d’éviter le triple dard de platine que la nature me donna comme une langue ! Tu me feras plaisir, ô Créateur, de me laisser épancher mes sentiments. Maniant les ironies terribles, d’une main ferme et froide, je t’avertis que mon cœur en contiendra suffisamment, pour m’attaquer à toi, jusqu’à la fin de mon existence. Je frapperai ta carcasse creuse; mais, si fort, que je me charge d’en faire sortir les parcelles restantes d’intelligence que tu n’as pas voulu donner à l’homme, parce que tu aurais été jaloux de le faire égal à toi, et que tu avais effrontément caché dans tes boyaux, rusé bandit, comme si tu ne savais pas qu’un jour ou l’autre je les aurais découvertes de mon œil toujours ouvert, les aurais enlevées, et les aurais partagées avec mes semblables. J’ai fait ainsi que je parle, et, maintenant, ils ne te craignent plus; ils traitent de puissance à puissance avec toi. Donne-moi la mort, pour faire repentir mon audace : je découvre ma poitrine et j’attends avec humilité. Apparaissez donc, envergures dérisoires de châtiments éternels !… déploiements emphatiques d’attributs trop vantés ! Il a manifesté l’incapacité d’arrêter la circulation de mon sang qui le nargue. Cependant, j’ai des preuves qu’il n’hésite pas d’éteindre, à la fleur de l’âge, le souffle d’autres humains, quand ils ont à peine goûté les jouissances de la vie. C’est simplement atroce; mais, seulement, d’après la faiblesse de mon opinion ! J’ai vu le Créateur, aiguillonnant sa cruauté inutile, embraser des incendies où périssaient les vieillards et les enfants ! Ce n’est pas moi qui commence l’attaque; c’est lui qui me force à le faire tourner, ainsi qu’une toupie, avec le fouet aux cordes d’acier. N’est-ce pas lui qui me fournit des accusations contre lui-même ? Ne tarira point ma verve épouvantable ! Elle se nourrit des cauchemars insensés qui tourmentent mes insomnies. C’est à cause de Lohengrin que ce qui précède a été écrit; revenons donc à lui. Dans la crainte qu’il ne devînt plus tard comme les autres hommes, j’avais d’abord résolu de le tuer à coups de couteau, lorsqu’il aurait dépassé l’âge d’innocence. Mais, j’ai réfléchi, et j’ai abandonné sagement ma résolution à temps. Il ne se doute pas que sa vie a été en péril pendant un quart d’heure. Tout était prêt, et le couteau avait été acheté. Ce stylet était mignon, car j’aime la grâce et l’élégance jusque dans les appareils de la mort; mais il était long et pointu. Une seule blessure au cou, en perçant avec soin une des artères carotides, et je crois que ç’aurait suffi. Je suis content de ma conduite; je me serais repenti plus tard. Donc, Lohengrin, fais ce que tu voudras, agis comme il te plaira, enferme-moi toute la vie dans une prison obscure, avec des scorpions pour compagnons de ma captivité, ou arrache-moi un œil jusqu’à ce qu’il tombe à terre, je ne te ferai jamais le moindre reproche; je suis à toi, je t’appartiens, je ne vis plus pour moi. La douleur que tu me causeras ne sera pas comparable au bonheur de savoir, que celui qui me blesse, de ses mains meurtrières, est trempé dans une essence plus divine que celle de ses semblables ! Oui, c’est encore beau de donner sa vie pour un être humain, et de conserver ainsi l’espérance que tous les hommes ne sont pas méchants, puisqu’il y en a eu un, enfin, qui a su attirer, de force, vers soi, les répugnances défiantes de ma sympathie amère !…

Il est minuit; on ne voit plus un seul omnibus de la Bastille à la Madeleine. Je me trompe; en voilà un qui apparaît subitement, comme s’il sortait de dessous terre. Les quelques passants attardés le regardent attentivement; car, il paraît ne ressembler à aucun autre. Sont assis, à l’impériale, des hommes qui ont l’œil immobile, comme celui d’un poisson mort. Ils sont pressés les uns contre les autres, et paraissent avoir perdu la vie; au reste, le nombre réglementaire n’est pas dépassé. Lorsque le cocher donne un coup de fouet à ses chevaux, on dirait que c’est le fouet qui fait remuer son bras, et non son bras le fouet. Que doit être cet assemblage d’êtres bizarres et muets ? Sont-ce des habitants de la lune ? Il y a des moments où on serait tenté de le croire; mais, ils ressemblent plutôt à des cadavres. L’omnibus, pressé d’arriver à la dernière station, dévore l’espace, et fait craquer le pavé… Il s’enfuit !… Mais une masse informe le poursuit avec acharnement, sur ses traces, au milieu de la poussière. “Arrêtez, je vous en supplie; arrêtez… mes jambes sont gonflées d’avoir marché pendant la journée…je n’ai pas mangé depuis hier… mes parents m’ont abandonné…je ne sais plus que faire… je suis résolu de retourner chez moi, et j’y serais vite arrivé, si vous m’accordiez une place… je suis un petit enfant de huit ans, et j’ai confiance en vous !” Il s’enfuit !… Il s’enfuit !… Mais, une masse informe le poursuit avec acharnement, sur ses traces, au milieu de la poussière. Un de ces hommes, à l’œil froid, donne un coup de coude à son voisin, et paraît lui exprimer son mécontentement de ces gémissements, au timbre argentin, qui parviennent jusqu’à son oreille. L’autre baisse la tête d’une manière imperceptible, en forme d’acquiescement, et se replonge ensuite dans l’immobilité de son égoïsme, comme une tortue dans sa carapace. Tout indique dans les traits des autres voyageurs les mêmes sentiments que ceux des deux premiers. Les cris se font entendre pendant deux ou trois minutes, plus perçants de seconde en seconde. L’on voit des fenêtres s’ouvrir sur le boulevard, et une figure effarée, une lumière à la main, après avoir jeté les yeux sur la chaussée, refermer le volet avec impétuosité, pour ne plus reparaître…Il s’enfuit !… Il s’enfuit !… Mais, une masse informe le poursuit avec acharnement, sur ces traces, au milieu de la poussière. Seul, un jeune homme, plongé dans la rêverie, au milieu de ces personnages de pierre, paraît ressentir de la pitié pour le malheur. En faveur de l’enfant, qui croit pouvoir l’atteindre, avec ses petites jambes endolories, il n’ose pas élever la voix; car les autres hommes lui jettent des regards de mépris et d’autorité, et il sait qu’il ne peut rien faire contre tous. Le coude appuyé sur ses genoux et la tête entre ses mains, il se demande, stupéfait, si c’est là vraiment ce qu’on appelle la charité humaine. Il reconnaît alors que ce n’est qu’un vain mot, qu’on ne trouve plus même dans le dictionnaire de la poésie, et avoue avec franchise son erreur. Il se dit : “En effet, pourquoi s’intéresser à un petit enfant ? Laissons-le de côté.” Cependant, une larme brûlante a roulé sur la joue de cet adolescent, qui vient de blasphémer. Il passe péniblement la main sur son front, comme pour un écarter un nuage, dont l’opacité obscurcit son intelligence. Il se démène, mais en vain, dans le siècle où il a été jeté; il sent qu’il n’y est pas à sa place, et cependant il ne peut en sortir. Prison terrible ! Fatalité hideuse ! Lombano, je suis content de toi depuis ce jour ! Je ne cessais pas de t’observer, pendant que ma figure respirait la même indifférence que celle des autres voyageurs. L’adolescent se lève, dans un mouvement d’indignation, et veut se retirer, pour ne pas participer, même involontairement, à une mauvaise action. Je lui fais un signe, et il se remet à mon côté… Il s’enfuit ! Il s’enfuit !… Mais, une masse informe le poursuit avec acharnement, sur ses traces, au milieu de la poussière. Les cris cessent subitement; car, l’enfant a touché du pied un pavé en saillie, et s’est fait une blessure à la tête, en tombant. L’omnibus a disparu à l’horizon, et l’on ne voit plus que la rue silencieuse… Il s’enfuit !… Il s’enfuit !… Mais, une masse informe ne le poursuit plus avec acharnement, sur ses traces, au milieu de la poussière. Voyez ce chiffonnier qui passe, courbé sur sa lanterne pâlotte; il y a en lui plus de cœur que dans tous ses pareils de l’omnibus. Il vient de ramasser l’enfant; soyez sûr qu’il le guérira, et ne l’abandonnera pas, comme ont fait ses parents. Il s’enfuit !… Il s’enfuit !… Mais, de l’endroit où il se trouve, le regard perçant du chiffonnier le poursuit avec acharnement, sur ses traces, au milieu de la poussière !… Race stupide et idiote ! Tu te repentiras de te conduire ainsi. C’est moi qui te le dis. Tu t’en repentiras, va ! tu t’en repentiras. Ma poésie ne consistera qu’à attaquer, par tous les moyens, l’homme, cette bête fauve, et le Créateur, qui n’aurait pas dû engendrer une pareille vermine. Les volumes s’entasseront sur les volumes, jusqu’à la fin de ma vie, et, cependant, l’on n’y verra que cette seule idée, toujours présente à ma conscience !

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