Le beau palais de jade

Du Fu

Le beau palais de jade

En faisant mille circuits, le ruisseau court, sous les sapins, entre lesquels le vent s'allonge.

Les rats gris s'enfuient vers les vieilles tuiles.

À quel roi fut ce palais, on ne le sait plus. Le toit, avec les murailles, au pied de ce rocher à pic, tout est tombé. Les Feux-Esprits, nés du sang des soldats tués, hantent la ruine. Sur la route détruite, les sources qui s'écoulent, semblent sangloter des regrets…

Et du bruit de toutes ces eaux vives, les échos forment une véritable musique. La couleur de l'automne jette sa douce mélancolie sur toutes choses.

Hélas ! la beauté de celles, qui, là furent belles, devient maintenant de la poussière jaune…

À quoi servit, alors, d'admirer le charme factice du fard et même la vraie beauté qui s'en ornait, non moins que lui, éphémère !…

Et ce roi ! qu'est devenue la garde fringante qui accompagnait son char doré !…

De tant de biens, de tant de créatures, que lui reste-t-il aujourd'hui ?… Rien de plus qu'un cheval de pierre sur son tombeau.

Une profonde mélancolie me vient; sur la natte que m'offre l'herbe douce, je m'assieds. Je commence à chanter… Mes larmes, qui débordent mouillent mes mains, me suffoquent…

Hélas, tour à tour, chacun s'avance sur le chemin. Et tous savent bientôt qu'il ne conduit à rien…

Du Fu

Le beau palais de jade